Quelle que soit l’expérience que nous souhaitons faire, cela commence par une idée furtive plus ou moins consciente. Puis, elle se densifie, on commence à structurer le projet qui est à ce stade une ébauche. Puis, petit à petit, les choses prennent forme jusqu’au moment où on se sent prêt(e) à passer le pas. Il faut alors trouver l’impulsion pour faire nos premiers pas.
Faire le pèlerinage de Compostelle n’était pas mon projet. J’avais même clairement verbaliser qu’il était hors de question, et même inenvisageable que j’aille marcher sous la chaleur écrasante du soleil espagnol durant le mois de juillet ou le mois d’août. Et, lorsque j’ai exprimé cela, j’y croyait à 400% d’autant plus que :
1- Ca faisait 2 ans que je n’avais plus fait le moindre sport à part 2 ou 3 journées de snowboard par an. Alors, marcher des kilomètres, même si je l’ai eu beaucoup fait en camps de vacances avec le curé du Rouret et la famille Mavon (que j’embrasse de tout mon coeur), là c’était juste no way (pas moyen en français).
2- Il était question que j’ai les enfants en vacances une semaine sur deux tout l’été et que je travaille l’autre semaine donc : pas possible
3- Ce n’était pas mon projet et l’intéressé dont c’était le projet ne m’en avais pas parlé avant de dévoiler son engagement à le faire…
Pourtant, on ne peut pas lutter contre notre nature profonde. Quand j’ai observé que la motivation de Will à partir diminuait au fur et à mesure que le départ approchait, je n’ai pas pu m’empêcher de lui proposer de faire les premiers jours avec lui. Nous revenions d’un séminaire ensemble à Bourges et j’avais 4 jours de libres avant de récupérer mes enfants. A deux, se lancer, c’est plus facile, l’un emportant l’autre. Et, dans mon cas, l’impulsion vient facilement. La Force habite en moi et j’ai toujours aimé relever des défis 😉
Pour nous faire ses premiers pas sur le chemin de ST Jacques de Compostelle, ça a démarré à St Jean pied de port au pays basque français. Nous sommes arrivés la veille au soir, plutôt tardivement. Tout était déjà fermé donc, pas possible d’obtenir un credential, le Visa-passeport des chemins de Compostelle. Le lendemain, le départ était prévu tôt donc tout serait encore fermé à l’heure du départ. On partait donc sans rien.
Lundi 10 juillet : Nous posons nos premiers pas au départ de Saint Jean Pied de Port vers Roncesvalles
Les premiers pas sur el camino Francès vers Saint Jacques de Compostelle se font sous la bruine.
Compte tenu de la météo, nous avons emprunté la voie d’hiver. Celle d’été passe par les cols et n’est pas sécurisée. Il est lourdement recommandé de ne pas l’emprunter en cas de brouillard. Ce serait bien trop risqué de s’y engager. Il est habituel que des pèlerins n’en reviennent pas.
Cette première étape a été longue et complexe. En tout humilité, et même en toute humidité, on ne fait que gravir les Pyrénées.
Les étapes en forêts sont glissantes et parfois dangereuses alors que les parties bitumées se font bel et bien directement sur la route. Il n’y a pas de trottoir ni de bas coté à part la pente d’évacuation des eaux de pluie qui sont impraticables. En effet, elles sont recouvertes d’une mousse vaseuse très glissante. On se demande comment font les pèlerins quand il y a de la neige (et c’est souvent cas) pour ne pas se faire écraser par les bus et camions qui sont nombreux et roulent à vive allure.
Mais l’étape est belle et riche.
C’est avec un grand bonheur que nous parvenons à Roncesvalles (la vallée des ronces) trempés et épuisés.
Nous avons dû faire l’étape d’un trait car impossible de s’assoir. Le dénivelé était très important. Cette étape est vraiment physique.
Le soir, nous assistons à la messe de bénédiction des pèlerins. Messe un peu particulière avec des prêtres ayant une étrange vibration.
Mardi 11 juillet : Roncesvalles vers Zubiri
Les premiers pas de cette étape se font dans un brouillard digne de certains films. Le départ de Roncevaux est on ne peut plus brumeux et il nous accompagne sur le chemin qui nous mène dans une étrange forêt, celle de Lintzoain, à la frontière entre deux mondes.
Ceux qui pressent le pas n’ont pas la possibilité de prendre conscience de l’atmosphère particulière qui règne ici.
Cette forêt est on ne peut plus habitée. Ca grouille joyeusement tout autour de nous.
Dans la forêt de Erro, c’est avec enthousiasme que nous rencontrons celui qui deviendra le bâton de pèlerin, le compagnon qui allègera les douleurs de Lætitia.
Chemin faisant, nous trouvons des traces laissées par nos prédécesseurs dont ce message sage et véritable inscrit sur un rocher.
A la fin de l’étape, nous arrivons tôt à Zubiri, le village du pont où nous nous posons pour la nuit. Le mal au pied est prenant. Il est l’heure de faire des ajustements de semelles me concernant. Et de nous délester des pantalons que le chemin nous avait prêté.
Demain, en route pour Pamplona où se déroule la St Firmin qui fait beaucoup parler sur le chemin. De nombreux pèlerins prévoient d’esquiver cette étape pour éviter les débordement et pour de garantir une nuit sereine et réparatrice de sommeil et de repos.
Mercredi 12 juillet : Zubiri vers Pamplona
La Feria de San Firmin, ce n’est pas la fête comme en France.
A Pamplona, en dehors des commerces touristiques et des restauration, tout est fermé. Des gens font la fête jour et nuit. Toutes sortes de choses jonche le sol… même des personnes qui sont tombées de fatigue. C’est la 3° plus grande fête du monde, c’est dire !
Nous ne sommes pas vêtus de blanc et de rouge… tout le monde nous regarde de travers. Nous sommes des dissidents. Mais ça va, on assume 😉 Certains nous gratifient même, parce que nous sommes pèlerins et c’est respectable.
On a du mal à accueillir la fête. Nous sommes fatigués et pas du tout dans la même vibe. Beaucoup de pèlerins ont fait le choix d’éviter Pamplona et de traverser l’étape en bus pour éviter les festivités.
Personnellement, j’ai un autre problème. Je suis partie sans entrainement et sans condition physique. J’ai mal, mon corps a atteint ses limites. Il faut avouer que je lui en demande beaucoup. Passer de rien à marcher au rythme d’un homme la moitié de la journée, c’est un peu raide. J’ai dû finir l’étape en bus. Il m’était impossible de marcher plus avec le poids de mon sac qui pesait sur mes jambes. C’est la loose. Mon ego en a pris un coup. Enfin, ça, c’est pas très grave, il s’en remettra.
Jeudi 13 juillet : Pamplona vers Puente la reina – Le dernier jour: C’est la fin
Aujourd’hui, c’était le dernier jour pour moi sur el camino Francès vers Compostelle. Alors que je fais mes premiers pas du jour, je m’intériorise comme chaque jour durant cette marche que je souhaite vivre méditativement.
Depuis quelques temps, l’envie de rester plus longtemps avec germé en moi. Il y a eu la culpabilité aussi. Devais-je demander à reculer des quelques jours l’accueil des enfants ou devais-je bel et bien rentrer ? Le choix s’est imposé de lui-même. Je n’ai pu faire que la moitié de l’étape aujourd’hui. Mon tendon gauche avait commencé à me lâcher hier, alors j’ai compenser sur l’autre aujourd’hui. Il n’a fallu que quelques 10 km pour venir à bout de mon second tendon.
Pour moi, pas de montée du pardon. Allez, on va dire que j’avais rien à me faire pardonner aujourd’hui. Cette journée a un goût de frustration même si la Providence était là pour moi. J’ai trouvé un taxi bénévole qui m’a récupérée au milieu de nulle-part et m’a amenée à chaque points d’étape et m’a tenu compagnie. Une belle rencontre !
Arrivés à Puente la Reina, nous profitons des dernières heures ensemble. Puis, William devra continuer la route seule. Un moment d’émotion avant que je retourne sur ces premiers pas pour récupérer ma voiture en bus à St Jean pied de port.