Au travers de cet article (qui date de juillet 2017), je souhaite aborder l’importance de s’alléger pour pouvoir se réinventer avant de repartir sur le chemin de la Vie et le fil des expériences humaines.
S’alléger est un apprentissage important, utile et surtout indispensable pour pouvoir traverser notre vie avec davantage de liberté et surtout pour pouvoir arriver à destination le coeur léger plutôt que lourd de reproches, de regret ou de mal-être…
Cet apprentissage, aujourd’hui, dans le moment présent, je le fais grâce à ce projet qui est actif, vivant, en court ou en passe de le redevenir réellement. Il a déjà démarré, a été mis en suspend et devient encore plus essentiel maintenant.
S’alléger de l’inutile est une étape indispensable avant même de mettre un pied sur le chemin de Compostelle. Mais, en même temps, il est incontournable de se préparer soi, de préparer son matériel et de s’équiper de ce qui pourrait s’avérer manquant pour ne pas se retrouver à dépourvu.
Tout doit être pesé et l’utilité réelle de chaque élément mûrement évalué.
Faire en sorte de s’alléger constamment de l’inutile et de l’obsolète est une priorité. Il en est d’ailleurs de même sur tous les chemins de la Vie. Peu importe leur poids, leur importance ou leur valeur symbolique. Ces trois éléments symboliques liés à l’invisible étant différents en fonction de chaque individu, de son vécu, de son ressenti, de ses croyances… bref de son unicité. Dans la matière, tout a un poids fixe, une valeur monétaire quasi-fixe évidemment discutable et une importance “partagée” toute relative.
Les chemins qui mènent à Compostelle accueillent tout le monde.
Mais chacun y est accepté un certain temps ou un temps certain en fonction des cas. Cela n’est pas dû à un choix humain. El camino fait ses propres choix. Il vous accepte et vous rejette de par lui-même. Personne ne peut à l’encontre de cela même avec la meilleure volonté du monde.
Cheminer sur el camino, cela se mérite à la sueur de notre front, à la résistance de notre corps, à la force de notre esprit et à la hauteur de notre sagesse.
L’épreuve se fait au fil du temps.
Mais l’expérience peut se révéler bien courte, raccourcie par une sentence immédiate. Si nous ne savons pas faire preuve de mesure, de conscience ou de discernement. Toute décision peut avoir des conséquences à court ou à long terme.
La préparation est une étape indispensable
Pour ma part, cette étape a été drastiquement raccourcie car il n’était pas prévu que je prenne part à ce voyage. Dans ce cheminement, une préparation physique, un conditionnement du corps est important mais ne suffit pas.
Avant de partir, il faut faire des choix car la route est longue. Le poids d’un sac trop lourd et/ou inadapté à notre morphologie est un dangereux ennemi aussi dangereux et sournois qu’un esprit trop faible.
Première étape : ça passe ou ça casse
Dès la première étape, les dés sont jetés. Dans notre cas, la première étape démarrait à la frontière espagnole, depuis St Jean-pied-de-port.
Cette étape est de 29 km. Les marcheurs y gravissent les Pyrénées. Pour ceux qui démarrent de cet endroit, déjà au premier jour une grande épuration a lieu. L’étape est particulièrement difficile et éprouvante physiquement autant que mentalement.
Elle se déroule, en général, sous la bruine et dans le brouillard. Le chemin à cet endroit est connu et reconnu comme étant très dangereux. La végétation est danse, le chemin boueux, tordu, glissant, instable par endroit et le dénivelé extrêmement important.
Nombreux sont les pèlerins qui la font en deux fois.
Cette étape est significative. Elle seule suffit parfois à nous faire sortir du chemin plus ou moins définitivement. Chaque année, des pèlerins n’en reviennent pas, disparaissent, se blessent… et ne sont parfois jamais retrouvés. Mais le marcheur qui choisit d’aller en pèlerinage vers Compostelle, originellement parlant prenait cette décision pour remettre sa Vie entre les mains de Dieu en vie de mériter un salut, un pardon ou autre chose. Il devenait alors un pèlerin et en cela, il était donc prêt à y laisser sa vie. Il serait inconscient d’oublier les origines car l’intention originelle est toujours présente et active même si beaucoup de ceux qui empruntent le chemin n’ont pas cette conscience.
En échange de cette prise de risque ou de saut sans parachute dans la foi, le pèlerin peut prétendre des poids qui écrasent son âme, et il sait qu’en prenant le chemin, il peut y laisser sa vie.
La première étape terminée, il est nécessaire de s’alléger encore et encore… continuellement… perpétuellement
Une fois arrivé(e)(s) au refuge de pèlerins, il est l’heure de faire le point de notre paquetage et notre propre état.
Il est essentiel de se décharger un maximum de l’inutile, de l’obsolète au plus tôt pour ne pas avoir à payer les conséquences d’une décision ou d’une mise en action trop tardive.
Une zone de libre échange “Leave & take” (déposer et prendre en anglais) s’est instaurée et se répète dans presque tous les refuges. Certains s’y déchargent de leur superflu alors que d’autres peuvent y trouver ce qui leur manque pour le bien et la préservation de tous et chacun.
En moyenne, on marche 25 km par jour. Les sacs d’homme pèsent idéalement 8 à 12 kg alors que ceux des femmes 5 à 7 kg.
Trop de poids et c’est l’assurance d’user son corps à outrance, sournoisement ou de façon abrupte.
Cela peut, en un jour seulement, compromettre la suite du chemin. Ou être blessé(e) pour les jours voir les semaines ou les mois à venir. Alors chacun s’allège au fur et à mesure matériellement, physiquement et intellectuellement. Le poids que nous portons et la croix que nous nous imposons à nous-mêmes.
Abandonner l’inutile et faire de la place pour accueillir du nouveau
Cela se fait matériellement, psychologiquement et symboliquement. C’est essentiel. Cela est même incontournablement vital.
On ne peut pas avoir une eau nouvelle si on ne jette pas la vieille eau croupie qui est déjà contenue dans notre verre.
Ainsi, chaque nouveau jour, le pèlerin fait le point de son paquetage. Chaque étape est différente. Pourtant c’est toujours le même chemin mais le voyage est tout autre.
A Roncesvalles, nous avons été heureux, chacun, de trouver un pantalon abandonné lorsque nous sommes arrivés trempés, poussés par le vent et que la température extérieure annonçait 9°C (en plein mois de juillet). Nous n’en avions pas pris compte tenu de la saison pour alléger notre sac.
A Zubiri, nous avons eu plaisir à nous en délester. Pourtant, l’erreur aurait été d’abandonner également nos polaires qui nous auraient manquées à Pamplona.
Le choix est donc stratégique et doit être mûrement réfléchit. Chaque tronçon est de nature différente et offre des conditions spécifiques.
A chaque instant, sur le chemin, nous gagnons en sagesse, travaillons notre intuition et l’anticipation stratégique.
S’alléger psychologiquement pour être plus libre et plus léger
Pendant le pèlerinage, on s’allège aussi mentalement. Le pèlerinage n’est pas qu’une longue randonnée. Certains choisissent de la considérer ainsi et alors, ils passent à côté de nombreuses saveurs et de riches expériences.
Nous sommes, à chaque instant confronté à nos peurs, nos fantômes, nos démons, nos idées noires, nos excès, nos limites… La routine et les préoccupations de la vie courante n’ont pas de place ici.
El camino est un chemin alchimique et spirituel avant tout. Il transforme l’humain qui l’arpente en présence et en conscience.
Les symboles que nous croisons et les lieux que nous traversons sont très particuliers et puissants. Tout y est amplifié, décuplé, habité, chargé d’histoires et d’expériences subtiles pour pouvoir nous transcender.
Le pèlerin arpente un autre monde en parallèle du monde commun.
En prenant son sac à dos, il laisse tout le reste derrière, les préjugés, croyances, pseudo-obligations… etc… Et il peut se reconnecter au Soi dans la plus grande simplicité.
Sur le chemin, le bonheur est fait de petits plaisirs simples : pouvoir prendre une douche même s’il n’y a pas d’eau chaude, se faire masser les pieds, juste se poser et ne rien faire ou se reposer un peu, manger ce qui se présente, voir des paysages naturels, découvrir de nouveaux lieux, se réchauffer au soleil ou se rafraichir à l’ombre, trouver et boire de l’eau, se retrouver avec d’autres pèlerins après une dure et harassante journée. On goute à nouveau à la légèreté de la vie entre deux rudes épreuves.
S’alléger des douleurs et des difficultés de la journée avant de finir la journée
Avant de s’abandonner à un repos bien mérité, le pèlerin évalue la prochaine étape. Il prépare à nouveau son sac en vue du lendemain en l’allégeant le plus possible mais en prévoyant ce qui lui est ou sera nécessaire. La fin d’après-midi et la soirée sont souvent un temps libre. Puis, il se restaure et se couche en faisant l’inventaire des douleurs de son corps en espérant que la nuit pourra être suffisamment reposante pour traverser une nouvelle journée malgré le confort spartiate et la promiscuité. Et chaque soir, il a cette même question en tête : “Est-ce que je parviendrai à finir l’étape de demain ?”
La foi c’est s’engager sur le chemin sans savoir ce qu’il nous réserve.
L’espérance est de parvenir à la prochaine étape.
– Lætitia TRILLEAU
Le lendemain, nous nous réveillons avant le lever du soleil, nous enfilons nos chaussures de marche, nous décrochons notre sac du sol et nous repartons, soit sur le chemin vers la prochaine étape, soit vers chez soi.
Lorsque sonne le glas du retour chez soi, parce que nous n’avons pas réussi à nous alléger suffisamment, le départ est amer.
La nécessité de la préparation pour s’alléger avec conscience et le discernement apportée par l’expérience
Avec des chaussures trop lourdes et un manque de préparation physique flagrant (inexistant en vérité), c’est ce que j’ai expérimenté.
J’ai dû m’arrêter un jour plus tôt que ce que j’aurais aimé. Mais, il est vrai que la décision de prendre le départ s’est faite au dernier moment. Quelques jours avant seulement avec une condition physique frôlant le je n’ai pas fait de sport depuis 2 ans et je n’ai aucun matériel.
Le plus frustrant, c’est que lorsque j’ai choisi de rallier le chemin pour quelques jours seulement, cette étape que je n’ai pas pu traversée était celle que j’avais définie comme la dernière de mon périple. J’étais profondément frustrée car, alors même que d’habitude, mon corps tient la charge que je lui impose, là, il m’avait lâché prématurément… un jour trop tôt.
L’estimation prévoyait qu’au mieux des possibilités, j’aurais pu dans le meilleur des cas, aller jusqu’à atteindre Estella. Un village médiéval qu’il me tenait à cœur de découvrir. C’était aller, juste un peu plus loin, dépasser mes limites aller au-delà de moyennement envisageable. C’était séduisant pour moi.
Mais, être tenue de faire ce choix de m’arrêter pour ne pas tirer davantage sur mes deux talons d’Achille douloureux et enflammés a été profondément inconfortable.
Pourtant, le discernement montrait clairement qu’il s’agissait d’un choix sage et nécessaire. Le seul qui me permettrait de pouvoir rentrée jusqu’à chez moi sans complication et revenir dans quelques semaines pour continuer le périple. Il me restait encore des centaines de kilomètres à faire seule en voiture pour rentrer et devant moi la responsabilité de m’occuper seule pendant 3 semaines de mes enfants.
Un petit échec au sein d’une belle performance.
Mon insatisfaction est liée et est le résultat de mon manque de préparation.
M’étant décidée à moins de 10 jours avant le départ, j’ai fait avec ce que j’avais pu. Un sac de randonnée “light” emprunté, des chaussures de randonnée de moyenne montagne qui n’avaient pas pu être essayées plus de quelques petits kilomètres sans véritable dénivelé au préalable, un sac de couchage acheté à la dernière minute… Bref, le minimum syndical en mode “à l’arrache”. Pourtant, je suis partie avec un sac de 7 kg au lieu de 5,3 Kg recommandé pour mon gabarit de crevette et des chaussures trop lourdes.
Mon corps n’était pas prêt et j’avais dû testé mon matériel en conditions réelles plus longuement.
En prévoyant des étapes de test, j’aurais pu me rendre compte que mes chaussures étaient trop lourdes, trop rigides, inadaptées, avec un amorti insuffisant pour un si long périple. La nécessité d’un bâton de marche me serait apparu indispensable pour limiter l’impact de mes orteils dans la chaussure dans les descentes raides. Cela m’auraient préservé des hématomes qui trônent sur mes doigts de pieds. Et probablement de ce qui s’est avéré être une double entorse des tendons d’Achille.
D’où l’importance d’une véritable préparation.
Prévoir c’est bien, tester, c’est mieux ! Cela permet d’ajuster et d’anticiper certains problèmes pour pouvoir les éviter ou avoir les ressources nécessaires pour pouvoir les gérer. C’est aussi s’offrir la possibilité de s’être procurer les moyens ou ressources nécessaires pour faire face. Quand l’épreuve est longue et s’inscrit dans la durée, c’est juste indispensable pour aller au bout. Dans la vie quotidienne, c’est pareil. Alors pensez-y !
La Vie et ses épreuves sont comme le chemin et ses étapes. Soyons mieux préparer et prenons soin de de faire en sorte que chacun puisse s’alléger en conscience pour ne pas avoir à jeter l’éponge plus tôt que prévu 😉
S’alléger c’est aussi se libérer de nos poids psychologiques, des questions, problématiques et vécus qui nous pèsent. cela passe aussi par des libérations pour s’alléger des émotions qui nous habitent ou plutôt que nous gardons prisonnières?
Ainsi, cette partie du chemin fera finalement office de phase préparatoire. Ce bout de périple m’aura permis de tester mon matériel et mes ressources pour adapter l’ensemble avant de repartir.
Pour s’alléger intérieurement, depuis notre intériorité, découvrons la balade méditative Allègement & élévation subtils de l’être
Bonjour Laeti,
J’ai beaucoup aimé ce texte sur le dur cheminement du pélerin vers Compostelle. C’est mon préféré car il nous met en situation réelle face aux difficultés que cela représente, des choix à faire, de la remise en question, des doutes, du ressenti et des émotions qui surgissent.
Je suis empressée de lire la suite et pour elle, Bon courage ! Bises