Quand j’étais petite, à plusieurs reprises, un adulte m’avait proféré cette injonction :
– Ne parle pas aux cons, ça les instruit.
J’avais écouté et déduit qu’il était temps de me taire.
Mais pour autant, je n’avais jamais perçu la logique de cette injonction.
Cet article est le fruit de la recherche de son pourquoi et de sa signification.
Pourquoi ne pas parler aux cons si ça participe à les instruire ?
Dans ma perception du monde, un con est une personne soit ignorante et qui manque justement d’instruction soit pas très intelligente.
Si parler aux cons peut les instruire, pourquoi ne pas le faire ?
Surtout si ces cons appartiennent au premier groupe ?
Pour moi, cela n’avait pas de sens.
Dans le meilleur des cas, il serait possible d’amener ce.s con.s à l’être un peu moins. Cela valait donc tout de même le coup, non ?
Alors, j’ai tenté, à plusieurs reprises d’expliquer, de partager du savoir, de justifier, d’argumenter, d’apporter encore plus de connaissance… de proposer un autre angle de vue, de perception…
J’ai essayé de faire preuve de calme, de patience et de pédagogie. Et Dieu sait à quel point ça me coute de répéter des choses simples à des adultes. Reverbaliser est une chose, reformuler en est une autre, préciser encore un autre apport… mais répéter, moi, ça m’use.
Or, la vie m’a appris une chose (d’autant plus compte tenu de mon métier) :
Il n’est pas possible de faire changer la vision d’une personne qui ne souhaite pas qu’elle change.
Cela n’a d’ailleurs rien à voir avec une quelconque imbécilité.
Il s’agit d’un positionnement intérieur.
Lorsqu’une personne entre dans un échange avec la volonté de prouver qu’elle a raison. Alors, elle se coupe de toute écoute réelle. Elle n’entendra, ne percevra et ne retiendra que ce qui va dans son sens.
Tout ce qui sera dit n’aura aucun intérêt.
Mieux vaut encore parler à un mur.
La personne n’écoute pas réellement. Elle ne fait que collecter les éléments dont elle va pouvoir se servir pour nourrir son argumentation. Uniquement, donc, celles qui seront en lien avec ce qu’elle veut percevoir et aideront à prouver que c’est elle qui va avoir raison.
Elle n’entend que ceux-ci et occultera tout élément qui ne viendra pas alimenter son moulin.
Or, il est très facile de se convaincre que nous avons raison en opérant ainsi.
Sauf qu’on ne leurre que nous même. Et parfois quelques cons qui sont de la même envergure que nous-même.
Ne soyons pas orgueilleux/ses, nous sommes tous, à un moment ou un autre, le con (ou la conne) d’un autre !
Et observez, dans ces moment-là que même lorsque nous sommes ce con, la personne en face de nous ferait bien de se souvenir de ne pas parler aux cons.
Alors est-il bien utile de perdre notre temps à se battre contre des moulins à vent ?
Si nous le faisons, c’est que nous demeurons dans notre propre illusion, tel Don Quichotte.
L’humain est fait ainsi. Et, son inconscient, pour son bien, l’aide à ne percevoir que ce qu’il veut ou ce qu’il est prêt à voir, percevoir, entendre, ressentir…
Alors, on n’est pas sorti de la berge !
La probabilité de faire changer d’avis une personne qui refuse d’envisager d’en changer n’est pas prêt d’arriver !
Il vaut encore mieux se battre contre des moulins à vent !
Cela a au moins l’avantage d’être original ou pas commun.
A l’instar du cleptomane pris la main dans le sac qui veut sortir blanchi de l’affaire.
Il maintiendra dur comme fer que ce n’est pas lui qui a volé.
Il argumentera que ce n’est pas lui mais sa main, ou qu’il est possédé et que c’est l’esprit, ou le démon qui a pris possession de lui, qui a réalisé l’acte en utilisant sa main. Ce qui, en prenant un certain point de vue pourrait avoir un sens en adoptant une certaine perspective. Mais pour autant, le vol a bel et bien été commis par sa main.
Alors ok pour ne pas parler aux cons, mais comment savoir à qui on a affaire ?
Il suffit d’un peu d’observation.
Je suis friande des discussions où il est possible d’envisager et d’accueillir le point de vue de l’autre. Je trouve cela enrichissant. Ainsi, je suis généralement partante pour confronter des points de vue.
Pour autant, si au bout de deux ou trois allers-retours d’échange, je me rends compte que mon interlocuteur n’a pas pris en compte ce que j’ai abondé précédemment. Et qu’il reste sur des positions qui ne sont plus valables compte tenu de ce qui a été posé sur la table de notre échange. Je stoppe la discussion car alors, ce n’est pas une discussion. Il s’agit alors d’un dialogue de sourds. Et en vérité, ici, il n’y a pas d’échange.
Chacun est libre du temps qu’il souhaite dédier à un échange qui n’a ni queue ni tête.
Personnellement, j’ai défini mes propres limites et je me garde bien de re-rentrer dans un débat stéril.
Mais alors pourquoi dit-on que parler aux cons les instruit ?
Aux vues de ce qui a été posé plus haut, je tire une déduction.
⚠ Attention, c’est une interprétation personnelle. Chacun sera libre de voir midi à sa porte.
Parler aux cons ne présage d’aucun effet. Il n’y a aucune chance de faire bouger la position d’un con.
Entendez, le faire changer de vision, de perception, ou même d’angle de vue.
S’il n’a aucune volonté à tenter de prendre en considération la possibilité d’une autre point de vue.
Alors, tout ce que nous dirons pourra être retenu contre nous.
Parler aux cons les instruit dans le sens où, ce que nous dirons sera repris contre nous.
Chaque éléments que nous avancerons ne pourra qu’être récupéré au compte de l’autre sous une autre forme, déformée, amplifiée, raccourcie au couteau, coupée de son essence, de son contexte, de sa nuance…
Bref la matière que nous apporterons ne pourra avoir comme ambition que d’être détournée.
Donc je tire cette conclusion :
Ce n’est pas tant que nous allons les instruire mais plutôt que nous allons leur donner de nouvelles munitions pour nous tirer dessus.
D’ailleurs instruire vient du latin instruere qui signifie outiller.
On pourrait donc modifier l’injonction par : Ne parle pas aux cons, tu ne fais que leur donner des bâtons pour te faire battre.
Mais, maintenant que nous avons éclairé la question du pourquoi est-ce que cela les instruirait dans un sens négatif.
Un autre point reste à éclaircir.
Car bien que le mot con soit tant utilisé, qui sait réellement quelle est sa véritable signification ?
Car il nous allons au plus vieux sens du terme, le con désigne le sexe de la femme.
On retrouve d’ailleurs un terme équivalent en espagnol.
Mais au-delà de l’usage détourné que nous pourrions en faire.
Je n’ai pas une vision claire de ce qu’est un con au sein de cette phrase ou dans son sens courant.
Alors j’ai pris l’initiative de consulter le Larousse, qui dit :
con, conne
adjectif et nom
(de connard) Très familier. Stupide, imbécile, idiot.
Au regard de la définition donnée par Larousse, je me trompais bel et bien sur les cons.
Il ne s’agit pas d’un manque de savoir et de connaissance mais d’un déficit intellectuel.
La conclusion est donc que nous aurions beau parler, discourir, échanger avec un idiot, un imbécile ou une personne stupide, le résultat sera nécessairement autre que celui de nos attentes. Il vaudrait mieux ne pas gaspiller notre salive.
Pour illustrer, prenons un exemple vécu où j’aurais mieux fait de ne pas parler aux cons.
Lors d’une sortie champêtre pour visiter la fête aux ânes (si si ça existe, cela a lieu tous les ans à Escragnolles une commune de 600 habitant campée à 1400 m), j’ai pu expérimenter ce processus.
Nous étions avec des proches.
En toute logique, je n’aurais jamais pu m’attendre à vivre une expérience aussi lunaire.
Nous étions entrain de quitter le lieu de la fête (qui prend la forme d’un marché à ciel ouvert).
Les personnes qui nous accompagnaient et qui nous semblaient être des personnes tout à fait respectables avaient acheté des cannettes de soda.
Nous retournions vers le lieu où étaient garés nos véhicules respectifs en marchant et en discutant.
A l’abord de leur véhicule, il me semble voir qu’un des hommes de notre groupe jette sa cannette sur le bas coté.
Croyant que c’est le soleil qui m’avait tapé sur la tête, ou créé une aberration dans ma vision.
Je m’approche. Et je constate qu’il s’était passé exactement ce que j’avais vu.
S’en suit une discussion pour le convaincre de reprendre cette canette. L’invitation étant d’aller la déposer dans les conteneurs qui se trouvent juste après sur notre route, à 400 m de là… soit 30 sec. en voiture.
Mais, le temps de cet échange n’a été en rien fructueux.
Parler aux cons est donc bel et bien inutile, l’effort n’en vaut probablement pas la chandelle
L’homme campait sur ses positions arguant que ce n’était pas de sa responsabilité s’il n’y avait pas de poubelle là où il s’était garé. Et que, par conséquent, il était de la responsabilité de la mairie de disposer des poubelles là où les usagers en ont besoin.
Même ramasser sa cannette pour que j’aille, à sa place, la jeter, était pour lui inacceptable.
Il est à noter, par ailleurs, que nous étions garés en bordure de route, à la campagne de basse montagne. Lieu où habituellement, personne ne vient à se garer en dehors de cet évènement.
Quoi qu’il en soit, il préférait camper sur ses positions.
Polluer la nature et jeter ses détritus où bon lui semble étant la solution la plus appropriée.
La mairie n’avait qu’à mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour ensuite ramasser les détritus de ce monsieur… et de toutes autres personnes qui partageraient la même attitude.
Bref, à part tomber des nues et être affligée par la stupidité humaine, allant de mal en pis, cet échange n’aura servi à rien. L’expérience confirme : ne parle pas aux cons… C’est inutile, en dehors de donner une chance à la personne de montrer qu’elle ne fait pas partie de la confrérie des cons.
J’ai finalement ramassé sa canette et l’ai déposée dans le fameux conteneur.
Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’un geste responsable.
Non ce n’est pas juste que je le fasse à sa place. Mais il s’agit alors de mon choix, que je mets en oeuvre en consciece.
Ce qui est risible, d’ailleurs, c’est que l’été, lorsque ce monsieur va se baigner dans la rivière en contre bas, il est bien content de ne pas retrouver les canettes des autres et ses siennes… mais il mériterait probablement d’en expérimenter les conséquences.
Morale : ne parle pas aux cons, ils sont trop stupides pour accepter de remettre à jour leur vision et leurs croyances
Ne parle pas aux cons, cela les instruit de la plus mauvaise manière.
Mieux vaut aller parler à un âne ou à son cheval !
Nous aurons au moins plaisir à être ensemble.
La vie n’est pas un tribunal.
Si une personne nous condamne suite à l’interprétation d’un présupposé qui lui appartient, il est possible de tenter de rectifier.
Mais si après une ou deux tentatives il n’y a pas de remise en question, passons notre chemin.
La vision que l’autre à de nous-même lui appartient et n’est que le reflet de ce qu’elle porte.
A quel moment choisir d’arrêter l’échange ?
Lorsque vous sentez qu’attribuer plus de temps, d’attention, d’énergie et d’autres ressources n’a pas de sens.
Laissez les personnes qui veulent avoir raison croire qu’elles ont raison.
Elles ont choisi de s’enfermer dans des convictions qu’elles veulent immuables.
La vie est généreuse et ne manquera pas de leur montrer qu’elles se trompent…
Nous n’avons pas la responsabilité de les sauver de leur bêtise.
Sinon, nous endossons un rôle de sauveur… ce qui risque de nous mener à notre propre perte.
Alors, même dans ce contexte, rappelez-vous à vous-même : ne parle pas aux cons, cela ne vous apportera rien de bons.
Partager la publication "Ne parle pas aux cons, ça les instruit"