Assertive, ça ne veut rien dire pour moi.

Je ne sais pas vous, mais bien que j’ai reçu une éducation internationale, je ressens un certain agacement à être remuée par le tourbillon effréné d’un monde professionnel inutilement friand d’anglicismes

Au coeur de la forêt entreprenariale, les anglicismes fleurissent comme des champignons après la pluie.
Il est d’ailleurs un mot qui m’agace plus particulièrement.
Celui-ci me fait l’effet d’un intrus indésirable qui s’est frayé un chemin dans des conversations au sein desquelles il n’était pas invité. Ce mot est assertif. D’ailleurs, en vérité, il est plus souvent utilisé sous sa forme féminine assertive ou assertivité.
Mais qu’est-ce que cela signifie vraiment ?

Ou plutôt, que ne signifie-t-il pas ?

Pour initier cet article sur des bases saines de compréhension, ne vous méprenez pas, je sais parfaitement ce que signifie ce terme et ce que le dictionnaire en dit.

Dans son utilisation applicative, dans le monde professionnel dans lequel je navigue, il est souvent couplé avec un autre.
Ensemble, ils forment généralement la communication assertive.

Être assertif ou assertive, c’est être capable de s’exprimer avec assurance, sans agressivité ni passivité.

Quelle belle intention n’est-ce pas ?
Je suis toujours très vigilante vis-à-vis des intentions car comme dit l’adage:

L’enfer est pavé de bonnes intentions.

En réunion, pour être reconnu.e compétent.e et politiquement adapté.e à notre époque, une attitude et une communication assertives sont nécessaires.

Imaginez un instant une réunion de cadres, où chacun.e tente de se montrer assertif ou assertive.
Les sourires sont crispés, les voix sont posées, mais les regards trahissent une tension palpable.
Tout le monde est sur le qui-vive et se retient comme un cheval qui souhaite galoper au grand galop mais qui a des rénes trop courtes qui le contraignent à marcher à petits pas.
Chacun essaie de marcher ainsi avec une posture raidie cherchant à trouver un compromis entre fermeté et souplesse, sans jamais y parvenir.

Dans les faits, cela ressemble à un déjà vu où les masques sociaux du politiquement correct pèsent si lourds qu’il devient impossible de se mouvoir et même de s’exprimer avec authenticité.

Car, soyons honnêtes, qui parmi nous peut prétendre maîtriser cet équilibre subtil de l’attitude assertive de façon appropriée à chaque instant ?

D’autant plus si nous prétendons vouloir être aligné.e ou authentique, les non-dits ne peuvent pas être la règle.
Or, l’assertif demande implicitement cela : on ne peut exprimer que ce qui est entendable et qui peut arborer l’étiquette de la bienveillance réelle ou fainte.

Or, parfois, l’Amour et l’Authenticité véritable exige que nous puissions dire à l’autre :

Sur ce coup-là, tu as royalement merdé.

Car, cela est la seule chose honnête que nous puissions lui verbaliser.
Même dire

Tu t’es royalement planté !

serait un mensonge car la personne ne s’est leurré à aucun moment.
Elle a foncé droit dedans en connaissance de cause comme pensant pouvoir plier l’univers à sa volonté et contraindre les règles de la vie et de l’évidence.

Ajouter un :

Tu feras mieux la prochaine fois !

ne serait que de l’ordre de la stratégie manipulatoire pour ménager son ego.

Parfois, nous ou l’autre, n’avons aucune excuse valable.
Dire qu’on s’est planté est un euphémisme.
On a juste creusé notre trou.
Nous nous sommes vu.e.s faire et nous avons continué jusqu’à nous enterrer tout.e.s seul.e.s.

Le regarder bien en face, le reconnaitre, prendre responsabilité et l’assumer sera la seule manière d’en apprendre quelque chose.

Lorsque vouloir être assertif ou assertive nous contraint au silence

Je tiens d’ailleurs à souligner que dans ma vision, il n’existe aucun monde dans lequel un non-dit est bénéfique à moyen ou long terme.
Il peut l’être à très court terme pour jouer avec le temps ou un intermède de déni.
Mais le challenge alors est de sortir indemne de cet espace sans que cela nous explose au visage créant de fait des dégâts irréparables.

Par ailleurs, étant amenée à travailler presque quotidiennement avec des éléments et dynamiques qui sont de l’ordre du transgénérationnel, je peux même affirmer qu’un non-dit peut avoir des effets néfastes au-delà de 3 ou 5 générations.
La Bible évoque même que cela touche jusqu’à 7 générations.
On le savait donc déjà à l’époque, à croire que l’humain passe sa vie à rédécouvrir l’eau tiède.

Alors clairement, à part vouloir ménager les egos ou à préserver une personne faible… l’assertivité qui mène à se taire ou à se murer dans le silence doit être maniée avec discernement, précision et subtilité pour ne blesser personne dans le silence.
Cela doit rester l’exception à la règle car comportementalement parlant, cela revient souvent à fuir face à ce qui est.

Le problème, c’est que l’assertivité, telle qu’elle est souvent comprise, n’est qu’une illusion.

Une chimère que l’on poursuit dans l’espoir de devenir des leaders parfaits, des entrepreneurs infaillibles et humains déifiés.
Mais la perfection humaine n’existe pas, et vouloir l’atteindre, c’est se condamner à une quête sans fin source de frustration perpétuelle.

Une question philosophique qui me taraude :

Peut-on vraiment être assertif ou assertive sans une once de passion, de colère ou de doute… bref d’humanité ?

L’assertivité ne risque-t-elle pas de nous transformer en robots bien huilés, dépourvus de toute émotion humaine ? Car après tout, ce sont nos imperfections, nos aspérités et nos faiblesses ou plus justement dit nos vulnérabilités d’humains qui nous rendent uniques et authentiques.

Alors, plutôt que de courir après cette assertivité chimérique, pourquoi ne pas embrasser notre nature humaine, avec ses hauts et ses bas ?
Pourquoi ne pas accepter que parfois, il est bon de s’emporter, de douter, de rire aux éclats ?
Bref à être parfaitement imparfait.e.

L’humain devrait-il devenir lisse comme une vitre pour être acceptable et reconnu comme bon ?
Pourquoi ne pas chercher à être, tout simplement, nous-mêmes ?

En fin de compte, l’assertivité n’est peut-être qu’un mot de plus dans le grand bazar des anglicismes professionnels.

Un mot qui, s’il peut avoir du sens sur le papier, perd toute sa substance dans la réalité.
Je ne cesse de le répéter, ce qui nous séduit dans la théorie n’a souvent pas de voie d’existence dans la vraie vie.
Soyons honnêtes et plus tolérant.e avec nous-même et les autres tout en exigeant de nous-même d’offrir le meilleur.

La prochaine fois que quelqu’un nous demandera d’être plus assertif ou assertive, sourions, hochons légèrement la tête, et continuons d’être vous-même.
Car c’est là, dans notre authenticité, que réside notre véritable force.

Et qui sait, peut-être que ce petit grain de folie, cette touche d’imperfection, fera de nous un.e leader bien plus inspirant.e que tous les manuels d’assertivité réunis.

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